CV émotionnel

Mon parcours


« Je suis né dans une famille aisée, je n’ai manqué de rien. » Vivant à la campagne, j’ai choisi d’aller à l’internat ; j’avais à peine 10 ans.  Même avec le recul des années, il est difficile aujourd’hui de me prononcer sur ce choix : était-ce trop tôt ? Est-ce que je le referai ? À certains moments, le manque d’ami, la solitude, le rejet, la violence, l’appréhension des moments difficiles étaient insoutenables. J’ai alors beaucoup appris sur la nature humaine, la mienne d’abord, celle des autres ensuite, celle des groupes enfin. Le week-end, chez les scouts, ces mêmes schémas se reproduisaient : compétition, dépassement de soi, moqueries, rejet de certains.


Qu’on ne s’y trompe pas, à l’époque je faisais bonne figure. Ne me sentant pas autorisé à être ce que je ressentais (injustice, tristesse, vulnérabilité), je suis devenu, sans en avoir conscience, ce que les autres me réverbéraient : un garçon sportif et intelligent. Je suis devenu celui qui récoltait les lauriers plutôt que celui qui collectait les miettes ; préférant se moquer plutôt que de prendre le risque de subir les railleries.

Comment se détacher d’une image si flatteuse ? Je poursuivais sur ma lancée faisant des études prestigieuses. La vie ne m’a heureusement pas laissé tomber. J’ai reçu une proposition pour donner des cours particuliers, j’ai foncé et démarrait, sans vraiment le savoir, une expérience riche d’apprentissages. Je devais rencontrer de près la faille du système des cours particuliers, et façon plus vaste, la faille de la course aux diplômes. Je revois encore ces dizaines et dizaines de paires d’yeux criant d’une même voix : « Philippe, aide-moi à ce que mes parents m’aiment, fais-moi réussir ! » Pourtant, sans le savoir à l’époque, je contribuais à leur faillite : réussir un examen de plus, une année charnière, ne faisait que confirmer que « réussir = amour des parents » ; relançant ainsi la machine de plus belle.

 

Le fait d’aider les plus jeunes continue de me piquer : ne suis-je pas au final un collaborateur de cette arnaque pour le jeune ? Et lorsque ma force intérieure se révèle, que je refuse de collaborer pour aller à la rencontre du jeune ; où que je sois (école catholique – école à pédagogie Freinet – conseil d’orientation individuel), j’ai chaque fois l’impression d’arriver trop tard. Résolu à ne pas (me) laisser tomber, j’ai décidé de tisser ce lien à la source : en invitant aussi les parents pour un travail de coopération, de recherche de cohérence et de confrontation au réel.

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